Le long de la rivière, Cuc court vers nous dans son manteau jaune, une petite lumière humaine qui transperce l’épais brouillard emprisonnant le Lao Cai. D’un anglais cassé, appris sur le tas des touristes qui ne passent qu’une seule nuit, elle nous accueille, les yeux brillants et le sourire aux lèvres.
Nous resterons trois nuits
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Ta Van est une bulle temporelle, culturelle et géographique, sensation renforcée par la brume de janvier qui se repose chaque jour sur les versants et massifs des Montagnes du Lao Cai, et qui envahit parfois les piémonts.
Le homestay où nous séjournons n’est directement accessible qu’à pied – ou en scooter. Logé sur la rive de la rivière Muong Hoa , il se fond dans le décor de bois et de roches.
Plusieurs Vietnamiens d’ethnie différente s’affairent dans la salle de vie commune, rendant le lieu chaleureux et accueillant pour combattre le froid et le gris de ces contrées isolées. Cuc, 21 ans, est la première à faire mille pas. Vive et serviable, elle glousse facilement avec ses amis et ses invités. Quand il n’y a plus rien à faire, elle sort et joue avec une petite balle en fer – « une enfant, aux devoirs d’adultes « . C’est le cas de beaucoup de Vietnamiens qui, avant le cap des 25 ans, sont mariés, parents et laborieux : il se lit sur leur visage, une puérilité pleine de fraîcheur.
Thao, 8 mois, petite fille souriante et calme, n’élève que très peu sa voix, alors qu’elle est harnachée au dos de sa mère qui cure et récure la salle de vie.
La salle sent le brûlé, du feu que l’on a allumé et dont la fumée ne peut s’échapper que par les portes du logis. Cela n’enlève en rien la douceur ressentie ici, ni les saveurs que nous apportent les plats si bien cuisinés en ce premier soir.
Détendus enfin après notre longue route, nous décidons de nous blottir rapidement sous la couette de notre lit, pour échapper à la nuit froide et humide qui descend brutalement sur la vallée.
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On sort un matin pour une balade à travers les rizières délaissées. Nous sommes guidés par Vuh, une jeune femme de l’ethnie des Hmongs noirs, et flanqués de deux commères qui chercheront à nous vendre sacs et foulards à la fin de notre petit trek. Elles sont souriantes et nous demandent d’où nous venons. Elles confectionnent des petits cadeaux en feuilles ou en branches, qu’elles nous offrent en rigolant, tendant des doigts bleuis par l’indigo qui teinte leurs vêtements.
Vuh, 25 ans, est fière de nous dire qu’elle a trois enfants, âgés de 1 à 8 ans; 1 bœuf et 10 poulets ; et un cochon, engraissé pour être mangé lors du Têt. Elle nous montre comment les femmes Hmongs tissent, teintent et cousent les vêtements bigarrés et si typiques des femmes du Nord Vietnamien. Elle nous parle de la vie des montagnes et des peuples qui les habitent. Elle nous fait traverser les rizières boueuses, dans lesquelles elle refuse désormais de faire travailler les touristes occidentaux qui veulent s’y essayer – « trop difficile pour eux, ils ne tiennent qu’une heure mais une heure, c’est seulement le temps de leur apprendre… ». Elle nous fait passer par de petits coins de collines reculés où les Vietnamiens des montagnes se logent, a l’écart de la modernité. On peut y entendre le gong et les chants de préparation du Têt. Y voir les enfants courir, les joues rougies par le froid et brunies par la terre. Y sentir le bœuf que l’on ne grille qu’au crépuscule de ses jours… Les bœufs vivants, eux, paissent tranquillement sur les terrasses inondées, qu’ils n’ont pas à sillonner en cette période hivernale.
Les villages sont paisibles malgré les jeux des enfants, le passage des motorbikes et les foulées des touristes venus se perdre ici, un instant, loin de la folie de Ha Noi.
Lorsque nous rentrons au homestay, le brouillard descend déjà sur la vallée de Muong Hoa, et la nuit rattrape les dernières Hmongs qui traînent leurs paniers sur le dos, à la recherche de quelques dongs. Le dîner est servi et bientôt, sous notre couette, nous n’entendrons que le silence de Ta Van pour remplacer les rires de Cuc et les babillages de Thao.
Quand y suis-je allée – Janvier 2019
Où ai-je dormi – Tavan Riverside Ecolodge (👍)
Ce que vous aimerez sûrement – les balades à travers les rizières : Vuh nous indique qu’il vaut mieux venir entre avril et juin pour voir les pousses vertes. Et profiter d’une meilleure météo !